La science-fiction a souvent été précurseur quant au futur de nos sociétés, montrant notamment les champs de transformations potentielles à venir. Et qui n’a pas en tête lorsque l’on parle d’exosquelettes, des films comme Elysium, où le héros équipé d’un exosquelette décuple sa force, ou encore les robots de combat anthropomorphes de Matrix ou d’Edge of Tomorrow.
Notre société évolue, et l’innovation est au cœur même des réflexions de transformations. Il apparaît normal que l’on réfléchisse à l’application d’exosquelettes futuristes dans des projets d’industrie 4.0 ou dans la révolution numérique avec l’intelligence artificielle et le Big Data. Plein d’ambitions, nos concepteurs du futur veulent intégrer de nouvelles solutions innovantes, et l’exosquelette en est une des représentations.
A quoi sert un exosquelette, et à quels enjeux doit-il répondre ?
A ce jour, le terme d’exosquelette englobe deux types d’appareils :
Ils sont conçus pour réduire les vibrations, les ports de charge et les efforts physiques. Les DAP permettent de restituer l’énergie mécanique liée à une activité en accompagnant les mouvements de l’opérateur. Il s’agit là d’une simple action mécanique du dispositif. Pour les RAP, le robot doit assurer une intelligence et une capacité d’analyse pour prendre des décisions afin de suivre les mouvements naturels de l’opérateur. Pour cela, il utilise des technologies de capture d’efforts ou d’EMG (électromyogramme, étude du fonctionnement des nerfs et des muscles). Il doit donc deviner le mouvement de l’opérateur pour l’accompagner.
Les exosquelettes apparaissent ainsi pour les entreprises comme la réponse aux situations de travail contraignantes qui vont permettre :
Incroyable ! Avec un achat sur catalogue, nous voici débarrassé des problématiques humaines de l’entreprise ! Et pourtant, nous prêtons ici beaucoup trop d’enjeux à ces solutions.
En effet, on oublie ici le cœur même du travail, l’activité. Et celle-ci ne se caractérise pas uniquement par la dimension biomécanique : le geste, la posture, l’effort physique, le port de charge… Malheureusement, non. Dans l’activité, on retrouve aussi des dimensions psychosociales (charges mentales, cognitives, pressions temporelles, stress, collectif de travail, etc.) et organisationnelles (temps de travail, pauses, enchaînement des opérations, etc.) qui sont plus complexes à cerner et à prendre en compte.
A ce jour, nous savons que les risques liés aux TMS proviennent d’une combinaison multifactorielle englobant ces dimensions biomécaniques, psychosociales et organisationnelles. Les exosquelettes ne peuvent résoudre à eux seuls l’ensemble de ces caractéristiques propres aux activités, puisqu’ils n’agissent que sur une partie de la composante physique.
L’utilisation des exosquelettes va nécessiter :
Et pourtant, les enjeux industriels propres à l’entreprise restent inchangés, ne permettant pas à l’organisation industrielle d’englober ces nouvelles modalités d’exécution pour atteindre les délais, la qualité et les coûts souhaités. Les conséquences potentielles de ces intégrations trop hâtives peuvent se traduire par des sources de stress, de fatigues cognitives…
Les exosquelettes ne permettent pas toujours de diminuer les sollicitations physiques, et peuvent au contraire en faire apparaître de différentes. Pour exemple le maintien des bras au-dessus des axes des épaules, un effort de maintien s’exerce pour lever le bras afin de diminuer la sollicitation au niveau des épaules. Cependant, pour baisser les bras, un effort additionnel est nécessaire, notamment lorsque l’on souhaite récupérer des pièces pour les monter. Ici, la sollicitation a été modifiée sur le muscle antagoniste, peu habitué à pratiquer ce type d’effort, et donc plus sujets à des douleurs. Qui l’aurait cru !
Aussi, leur utilisation est souvent dédiée à un type de tâche opérationnelle, ne prenant pas en compte l’ensemble de l’activité de travail. Prenons l’exemple de l’exosquelette Hercule permettant aux militaires de porter des charges jusqu’à 50kg lors des marches. Son autonomie permet de réaliser 20km et une allure de 4 km/h. Dans le contexte de la marche, il semble idéal pour réduire la contrainte physique. Cependant, dans un contexte militaire, ces marches peuvent se traduire par des embuscades nécessitant de courir, de s’allonger, de s’accroupir, de plonger,… Toutes ces activités ne sont pas réalisables, et d’un enjeu de santé, la sécurité des militaires est mise en jeu.
Pour prendre un exemple civil, les dispositifs permettant de se déplacer et de s’assoir en face de la zone de travail sont pertinents pour des micro-déplacements dans l’environnement, mais ne permettent pas de monter des escaliers ou encore d’éviter des obstacles au sol. Aussi, le centre d’équilibre étant difficile à appréhender, il peut s’avérer dangereux pour l’opérateur lorsqu’il souhaite se retourner pour récupérer des pièces / outils ou pour interpeller une personne. Ces chaises ont notamment entraîné des chutes en arrière, dans des escaliers ou de plain-pied, menant à des accidents de travail à l’instar des enjeux soulevés.
Aussi, d’autres risques ont été soulevés liés aux risques machines pour les RAP :
Mais faut-il rejeter tout en bloc sur les exosquelettes ? La réponse est bien évidemment non.
L’intégration des exosquelettes doit être revue de sa conception à sa mise en place :
Le futur vers des exosquelettes intégrant l’ensemble des contraintes n’est donc pas si éloigné si les entreprises mènent des réflexions plus globales pour assurer la précision de la réponse de ces moyens. Une approche humble et pluridisciplinaire reste la force du futur, et c’est avec elle que les exosquelettes pourront réellement participer à une amélioration des situations de travail.
Louis Meurisse
ergonome européen®
Unité Toulouse
Source : INRS, NS 354, octobre 2017
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