La formation comme outil pour l’ergonome
Au-delà du débat d’ergonomes sur les objectifs de l’intervention, entre adapter le travail à l’homme ou adapter l’homme à son travail, l’intervention ergonomique vise à transformer les conditions de production. Ces conditions se composent des éléments de la situation et des travailleurs qui évoluent dans ces situations. Par conséquent, transformer les conditions de production demande d’agir sur les éléments de la situation, et sur les personnes.
A travers l’analyse du travail, l’ergonomie étudie le couplage entre d’une part les ressources et contraintes de l’organisation, et d’autre part les ressources et limites du travailleur dans le but ultime d’optimiser ce couplage. La formation est alors un des leviers disponibles de l’ergonomie.
L’ergonomie en formation participe aussi bien :
- au développement des compétences d’acteurs des entreprises sur des thématiques propres de l’ergonomie (RPS, TMS, conduite de projet, etc.),
- qu’au développement de compétences de travailleurs qui doivent maitriser des savoirs et savoir-faire de métiers, différents de ceux propres de l’ergonomie.
Dans ce deuxième cas, l’ergonomie et ses méthodes sont une ressource au service de l’ingénierie de formation et plus largement au service de la formation professionnelle.
L’analyse du travail, principale méthode de l’ergonomie, utilisée en ingénierie de formation est l’outil qui permet :
- d’élaborer du contenu plus proche des besoins et réalités des travailleurs,
- d’améliorer les conditions de formation et d’apprentissages.
Pourquoi le contenu élaboré serait plus proche des besoins et réalités des travailleurs ?
Parce que, depuis plus d’un demi-siècle, l’ergonomie capitalise des connaissances sur les compétences et les stratégies mobilisées en situation de travail par les travailleurs. Son atout est de comprendre le travail réellement réalisé et de le mettre en perspective de ce qui est prescrit par l’organisation.
L’analyse du travail permet :
- de décrire et caractériser les conditions de réalisation de l’activité,
- et d’extraire les savoirs et savoir-faire mobilisés, qu’ils soient directement observables ou pas (exemple des activités cognitives qui sous-tendent les actions du travailleur (prises d’informations sur la situation et leurs finalités, raisonnements mis en œuvre, etc.)).
De plus, savoir-faire ne rime pas avec savoir-transmette voire même vouloir transmettre. Le constat est que les formateurs/travailleurs/experts transmettent volontairement à un apprenant moins d’1/3 de leurs savoirs incorporés (exemple du pourquoi faire et des informations sensori-motrices à relever pendant l’activité). L’ergonomie dans une ingénierie de formation cherche à dépasser ce biais et à rendre accessible ces savoirs qui fondent l’expertise.
Pourquoi les conditions de formations et d’apprentissages seraient améliorées ?
Parce que l’ergonomie considère que les situations de formation et d’apprentissage sont des situations de travail comme les autres :
- la situation de travail du formateur dont la performance sera son taux de transmission des savoirs et leur assimilation par l’apprenant. Cette performance dépendra du bon couplage entre ses ressources propres (niveau d’expertise, disponibilité cognitive, capacité d’analyse réflexive de son activité et de celle d’un tiers, etc.), et les ressources et contraintes de son environnement (nombre d’apprenants et cumul des tâches, temps alloué, organisation des accès au résultat de l’activité de l’apprenant, accompagnement à la prise en main du dispositif de formation…).
- la situation de travail de l’apprenant dont la performance sera la rapidité et la robustesse de sa montée en compétence. Cette performance dépendra elle aussi de ses ressources propres (motivation, processus mnésiques, etc.) et des ressources de son environnement (horaires, temps alloué, périmètre des tâches à réaliser, accès rapides à son résultat, médiation réflexive, etc.).
L’intervention ergonomique en formation professionnelle se fait à différents moments :
- en amont lors de l’analyse du besoin pour arbitrer ce qui relève de problématique de formation ou pas (organisation, moyens, procédures, etc.),
- en phase d’ingénierie pour spécifier le besoin au regard des 2 situations de travail précédemment décrites et organiser leurs interactions mutuelles,
- lors du déploiement de la solution de formation en permettant aux formateurs de dépasser les biais d’expertise par le développement de leurs compétences sur le terrain des ergonomes (l’homme au travail qui enseigne et qui apprend, l’observation systémique de l’activité de travail d’un tiers, etc.).
L’ergonomie en formation ne se résume pas à la formation à de l’ergonomie….
Valérie Le Bris
ergonome
Unité Toulouse
Photo by Filipe de Rodrigues on Unsplash
